Monthly Archives: August 2014

João Louro

João Louro (1963) lives and works in Lisbon. He studied architecture at the University of Lisbon and painting at the Arco School of Visual Art.

João Louro’s body of work encompasses painting, sculpture, photography and video. A natural descendant of conceptual and minimal art, João Louro has sought to override the romantic paradigm using the importance and role of the viewer, who completes the work of art. One of the prime concerns to his work is the reorganization of the visual world and what visuality means. Another important issue is the language in all of its possibilities and aspects.

João Louro was invited by Maria de Corral to participate in The Experience of Art in the Italian Pavilion at the 51st International Art Exhibition of the Biennale di Venezia. The most recent exhibitions include Blind Runner, Centro Cultural de Belém, Lisbon (2004), Insite 05 – Art Practices in the Public Domai, San Diego/Tijuana (2005), Big Bang, Cristina Guerra Contemporary Art, Lisbon (2007); LA Confidencial, Christopher Grimes, Los Angeles and Johnny Cash, Roy Orbison e Elvis Presley, Galeria Fernando Santos, Oporto (2008).

His work is included in several major collections such as the Arco Collection Foundation, Madrid; the Margulies Collection, Miami, Florida; Jumex Foundation, Mexico; Serralves Foundation Collection (MACS), Portugal, BES Collection; António Cachola Collection.

His work is represented by Cristina Guerra Gallery Contemporary Art, Lisbon, Portugal and Christopher Grimes Gallery, Los Angeles, USA.

http://www.joaolouro.com

ENTERPRISESTUDIO | RUA SILVA CARVALHO 141A | 1250-254 LISBOA

https://www.facebook.com/pages/JOÃO-LOURO

Imaginer Shakespeare

Le choix de thèmes qui s’ouvre devant le théâtre et la poésie de Shakespeare est sans doute infini. Depuis 400 ans, chacune de ses œuvres se prête aux approches scéniques les plus variées et critiques, étant une source inépuisable des façons de percevoir et de réfléchir sur l’homme et la société à toutes les époques. Peu sont ceux qui nous ont laissé un tel légat.

L’approche que je propose pour cette célébration que nous faisons aujourd’hui, tente de reproduire en quelque sorte l’inépuisable multiplicité implicite dans les divers aspects de son œuvre. Ma proposition commence par un prologue, celui de Troilus and Cressida, qui se présente comme tel – “and hither am I come / A prologue“ – et, en même temps, introduit la série de pièces de thématique classique : Troilus and Cressida, Timon of Athens, Pericles, Prince of Tyre, Julius Caesar, Antony and Cleopatra, Titus Andronicus, Coriolanus, Cymbeline…

Shakespeare, selon on dit, n’aurait jamais vu la mer. D’autres commentateurs assurent qu’il n’a jamais vu de ses yeux un champ de bataille. Il semble mal connaître la Géographie – situe la Hongrie au bord de la mer, et Protée voyage de Vérone à Milan en bateau, et encore attend les marées ! Ulysse, selon lui, cite Aristote, et Timon parle de Sénèque et Galène. Sir William mélangeait les époques : une horloge marque les heures dans Julius Caesar, Cléopâtre a un corset, les canons tirent joyeusement aux temps de Jean sans Terre… Shakespeare n’a pas vu la mer, ni la guerre et ne connaissait pas grand-chose en Géographie, Histoire ni Philosophie ; mais ressent et traduit mieux que quiconque le « grand mécanisme » de l’Histoire, des luttes pour le pouvoir et des passions individuelles derrière le comportement humain.

La scène IV du IVème acte de Richard III met à nu ces divers plans synthétisant l’histoire des Plantagenêt. L’aparté de la reine Margaret, “Plantagenet doth quit Plantagenet”, peut-être lu comme la pointe de l’iceberg des pièces historiques (King John, Richard II, les deux Henry IV, Henry V, les trois Henry VI, Richard III et Henry VIII). Dans cette scène, deux reines pleurent leurs maris, pères et fils morts – une interminable série d’Edwards, Henrys e Richards – et mettent à nu la vision du « grand mécanisme » et de la lutte pour le pouvoir : il s’agit d’une machinerie infernale et inexorable de laquelle personne n’échappe dans une lecture de l’Histoire qui souvent semble se confondre avec celle du Prince de Machiavel.

Les tragédies représentent probablement le centre de gravité de l’œuvre de Shakespeare. C’est là que s’expriment le mieux les idées de la renaissance. Othello, Hamlet, King Lear, Macbeth, Romeo and Juliet, Antony and Cleopatra, Coriolanus, Julius Caesar, Timon of Athens, Titus Andronicus (et aussi The Merchant of Venice, quoique celle-ci, à ce qu’il paraît, fait partie des comédies), font partie de la réinvention permanente à laquelle était sujet tout ce qui d’une façon ou d’une autre se prêtait à être monté sur scène, ayant pour source soit les Vies de Plutarque, soit une pièce récente de Kyd, un mythe Islandais, une histoire écrite par Cervantès ou l’idée d’un collègue. La dimension de l’auteur comme créateur intellectuel n’était pas encore consolidée, et il est possible que la force exceptionnelle de l’œuvre de virtuoses comme Shakespeare, Cervantès ou Quevedo, puisse avoir aidé à l’acquisition du statut d’artiste par ceux qui étaient perçus encore comme une sorte d’artisan.

C’est peut-être celle-ci la raison qui fait que le “Hamlet-Maschine” de Heiner Müller ne peut déjà être simplement un “Hamlet” tout court. Son statut d’«auteur» ne le permet pas, et néanmoins la machinerie de Heiner Müller recrée et met en évidence les parallèles existants entre les « grands mécanismes » élisabéthain et actuel.

Othello est une pièce sur laquelle je travaille depuis un certain temps. Le fait qu’Othello soit un étranger, un maure à Venise, non seulement m’est proche, sinon que je crois que cela se prête à une (re)lecture très pertinente dans l’actualité. L’idée de (re)création d’Othello sur laquelle je travaille souligne ces aspects et passe aussi par une réflexion sur la façon dont est perçue aujourd’hui la convention théâtrale. radiOthello – le projet sur lequel nous travaillons – montre ce qui n’est pas supposé être vu : la représentation d’une pièce radiophonique. « Théâtre du (radio)théâtre » et, en même temps, Theatrum Mundi, encore des thèmes profondément shakespeariens.

Dans la scène VI de l’acte IV de King Lear, le texte est dialogue et didascalie simultanément. C’est une scène écrite pour un type de théâtre précis – la pantomime – et rien de mieux pour cela qu’une scène vide. Dans le Globe Theatre, il suffisait de l’aide de trois ou quatre mots pour changer le décor et laisser la scène prête pour une nouvelle action. Le dialogue de Gloucester et Edgar, aussi, semble presque beckettien nous faisant rire du pire des malheurs et illustre particulièrement bien la vision tragique du monde (Gloucester IV – I): “As flies to wanton boys, are we to th’ gods, / They kill us for their sport”. C’est dans les tragédies que demeure peut-être le coté plus contemporain de Shakespeare.

Le sonnet XXIII (”As an unperfect actor on the stage, / Who with his fear is put besides his part,”) est doublement théâtral. Les liens entre les sonnets et comédies de Shakespeare est grand. La duplicité sexuelle, le faux semblant, l’impossibilité de choix entre l’éphèbe et la dame, la fragilité de la frontière entre l’amour et l’amitié – traités de la plus sérieuse des façons jusqu’à la plus bouffonne, de l’ambigu et l’idylle pondéré jusqu’au sarcasme et le plus grand des ridicules – s’y trouvent présentes, probablement plus sublimés dans les sonnets.

Finalement l’Épilogue de la Tempête, dernier texte de sa dernière pièce, apparaît comme summum et adieu. Tous les thèmes shakespeariens sont présents dans l’île de Prospero et se déroulent dans le temps d’une représentation. La Tempête se passe entre les deux et les six heures de l’après-midi, exactement les heures entre lesquelles les représentations au globe avaient lieu. Une fois arrivée la sixième heure le sortilège se défait, le rideau tombe et l’on peut retourner dans nos vies, certainement bien plus riches qu’on ne l’était.

Le Cinéma n’est que du Théâtre

“”Le Théâtre n’est que du Cinéma” a été depuis le début supposée devenir un long-métrage. Pendant l’écriture de la pièce – qui, d’une certaine façon est son “négatif” – J’ai commencé à imaginer et à “voir” le film dans ma tête.” AGZ

Synopsis

On pourrait choisir ou tenter de fixer plusieurs trames narratives à propos de ce qui se raconte dans Le Cinéma n’est que du Théâtre. Comme les histoires sont multiples, contentons nous des faits.

Le premier fait est le suivant : dans les coulisses vides d’un théâtre, quelqu’un parle des acteurs et commence par nous dire que le cinéma ouvre les parenthèses.

Ensuite, certains signes artificiels – comme l’utilisation des lumières à la façon de Syberberg ou de One from the heart, dans une séquence qui jusque-là se passe dans un théâtre – nous font supposer que nous sommes à la représentation d’une représentation.

Peu après, à ceci vient s’ajouter une pseudo répétition qui nous conduit à un de ces véritables shows que constituent les Opening Night, théâtrale peut-être, ou, peut-être, cinématographique.

Ce que nous voyons sur la scène de cette « première », c’est un avion, thème récurrent dans le cinéma. Et dans cet avion, pour passer le temps, on passe des films, comme d’habitude, pour amuser les passagers. Il se trouve que quelques-uns de ces passagers sont des acteurs célèbres. Ou du moins ont-ils participé à ces films.

Pendant ce temps (tout nous fait croire que c’est en même temps), au théâtre, la représentation commence. Et la représentation représente un huis clos : un groupe de personnes qui voyage en avion. Ce qui laisse supposer une fin tragique.

Les avions – qui au théâtre n’ont pas de tradition – au cinéma, semblent appartenir tous à ce qu’on appelle le cinéma catastrophe et parfois, au drame.

Malgré cela cet avion nous fait penser souvent à une comédie.

Mais tout ceci n’est peut-être qu’un montage. Un de ces trucs pour nous faire croire. Je dis ceci parce que tout d’un coup on se rend compte que tout, ou une partie de ce qu’on a vu jusqu’à présent, semble être en train d’être monté dans une moviola.

Morts d’ennui – comme il arrive souvent – les passagers, les acteurs et mêmes les monteurs, pour passer le temps s’inventent des histoires. Et les racontent. Et même les jouent. Car le voyage est long. Si long qu’ensuite ils regardent même jusqu’à la télé : un de ces programmes culturels sur la littérature quantique.

Ensuite – peut-être à cause de cela – les choses empirent : les acteurs, les passagers et même les techniciens et les hôtesses de l’air semblent avoir oublié le texte. Ils semblent même ne pas savoir dans quelle partie du film ils se retrouvent.

La même chose se passe dans la pièce, parce qu’un malheur (qui ne vient jamais seul) fait que l’oubli intervient en même temps dans l’avion du film et dans l’avion du théâtre.
Heureusement un réalisateur plein d’expérience – qui par pure coïncidence participait dans ce film – décide d’y mettre un peu d’ordre et faire ne serait-ce qu’un film série B pour, au moins, sauver la face.
En même temps (tout nous porte à croire que c’est pratiquement en même temps) un metteur en scène plein d’expérience – lequel, par une autre coïncidence, participait aussi au film – les fait tous faire un véritable Chorus Line.

Et la face est sauve.

Dommage la terrible tragédie qui suit:

L’avion tombe du ciel sur le théâtre où a lieu la représentation. Et ils meurent tous.

Comme chez Shakespeare. C’est horrible.

Une autre possibilité, finalement, c’est que tout ceci soit sorti d’un crâne au moment où il a été ouvert pour autopsie.

De toute façon nous ne voyons plus rien.

Nous n’entendons plus qu’un type (celui du début) demander que l’on ferme la parenthèse.

De toute façon il n’y a plus d’argent pour la pellicule. Ce qui reste suffit à peine pour le générique.